Une photo en noir et blanc n’est pas une photo désaturée…
On voit souvent sur les réseaux sociaux la même photo présentée dans sa version couleur et sa version “noir et blanc” avec la question : “Et vous, vous préférez laquelle ?”
Dans la majorité des cas, un simple clic sur le bouton “noir et blanc” ou l’utilisation du curseur “saturation” a été utilisé et le résultat le plus probable est que le choix des personnes se fera simplement sur leur gout personnel.
Et vous, vous préférez laquelle ? Ici pour la photo en noir et blanc un simple passage au monochrome a été appliqué.
Honnêtement, difficile de répondre à la question. Ni l’une ni l’autre en réalité ne semble sortir du lot notamment du fait de l’absence de couleurs bien tranchées. Pour être franc, si la finalité est d’être une “photo souvenir” on s’en fiche un peu ; mais si le but est de présenter ou de mettre cette image sous cadre, il va falloir aller plus loin dans le post-traitement, sortir d’une simple conversion noir et blanc et choisir une direction vers laquelle aller.
Aller dans les extrêmes avec le noir et blanc - le high-key.
Vous l’aurez sans doute reconnu, mais cet animal est un loup arctique. Et qui dit arctique dit paysage blanc. Évidemment, celui-ci n’a pas été photographié dans son milieu naturel mais rien n’empêche de se dire : et si je l’avais pris dans un paysage enneigé ? A quoi cela aurait-il pu ressembler ?
L’avantage du noir et blanc est de pouvoir aller beaucoup plus loin dans le traitement sur logiciel de développement numérique sans perdre l’essentiel mais surtout en éliminant le superflu. Et voici ce que cela peut donner.
Tous les tons de la photo ont été poussés vers les hautes lumières sans pour autant perdre les détails sur l’animal. Par contre il fallait absolument garder les tons les plus sombres comme les paupières, la truffe et les babines. Une simple surexposition ne suffit pas. En étant éclairci et décontrasté le fond devient quasi invisible et il suffit de gommer les quelques ombres restantes pour le faire totalement disparaitre. Du contraste local est appliqué sur le pelage pour garder de la texture.
Aller dans les extrêmes avec le noir et blanc - le low-key.
A gauche la photo originale, à droite la version désaturée.
Ici mon idée était de faire une photo très sombre sans perte de détail dans les tons sombres tout en focalisant l’attention sur le regard de la bête.
J’ai tout d’abord réduit l’exposition globale de la photo couleur puis récupéré de la lumière sur la tête de la panthère.
A ce stade le résultat est assez étrange et surtout non naturel. Car avec la couleur, on s’attend à voir une image qui ressemble à la réalité.
Un passage ensuite dans le logiciel Silver Efex me permet de convertir cette image en noir et blanc et de jouer sur les contrastes et micro-contrastes. J’y ajuste aussi la luminosité globale en prenant garde à ce qu’aucun détail ne soit perdu.
L’avantage du noir et blanc est de pouvoir sortir de la réalité.
Démonstration finale : le paradoxe du perroquet.
Un ara bleu c’est plein de couleurs on est d’accord. La photo couleur a donc tout son intérêt et dans l’immense majorité des cas sera préférée. Du vert, du jaune et du bleu, couleurs toutes saturées qui font la beauté de cet oiseau.
Le vert du crâne tranche avec le bleu qui le suit. Bleu lui même complémentaire du jaune créant ainsi un contraste de couleur intense.
Que donnerez une simple conversion en noir et blanc de cette image ? La réponse en un clic sur le bouton “conversion noir et blanc”
C’était attendu, l’image perd de tout son intérêt. La transition du vert vers le bleu est devenue presqu’imperceptible. Les ex jaune et bleu ne tranchent plus ensemble.
Le piège ici c’est que nous voyons sur la photo originale plusieurs couleurs saturées bien différentes. Malheureusement une couleur c’est une teinte, une saturation et une luminosité et, dans ce cas, la luminosité du bleu est quasi équivalente à celle du vert.
Photographier un perroquet pour une future image convertie en noir et blanc est donc un non-sens si l’on ne comprend pas bien cela et si l’on ne connait ni n’utilise les outils disponibles dans les logiciels de post-traitement. Si les curseurs de plages couleurs et les filtres colorés existent dans tout convertisseur noir et blanc ça n’est pas pour rien.
Voilà ce que l’on peut obtenir en jouant avec les différents canaux de couleurs. Le but étant d’analyser l’image originale et de se dire : “ok mon vert a techniquement la même luminance que mon bleu, mais mon oeil d’humain le perçoit un peu plus foncé sur la photo couleur.” Idem pour le blanc de la face du perroquet : il n’y a pas plus lumineux que le blanc (sinon c’est du gris), c’est donc lui qui doit avoir la luminosité la plus élevée par rapport aux autres couleurs.
Enfin de la texture a été ajouté au plumage car rappelez-vous, sans la couleur, ce sont les formes, les textures et les contrastes qui feront qu’une photo fonctionne en noir et blanc.
Vous l’aurez compris, le noir et blanc offre des possibilités infinies pour fournir de belles images. Il peut parfois même faire d’une photo couleur de peu d’intérêt une image que vous serez fier de partager. Avec un peu d’effort évidemment.